Ma première manifestation italienne

Publié le par Schlüssellügt

En ce jour du 8 mai 2008 (qui bizarrement n'est pas férié en Italie), un peu avant 17h je sors de l'école, je m'en vais tranquillement prendre le bus (en fraudant!) pour rentrer chez moi. Ca klaxonne de partout, le bus n'avance et fait un détour et au bout de 20 minutes environ, j'arrive enfin... au premier arrêt. Donc je descends, puisque, évidemment, j'irai plus vite à (cloche-)pied. Je me retrouve dans une rue que je ne connais pas à cause du changement de trajet inopiné du car. Tant bien que mal je retrouve le chemin pour retourner à casa mia. J'arrive sur Via Roma, la grande rue de Palerme qui part de la gare pour rejoindre le centre. Et là surprise, je vois des policiers partout!

 

Mon esprit révolutionnaire et révolté me fait soupçonner une manifestation imminente. Et puis je vois un hélicoptère : comme j'ai quand même gardé un peu de mes crasseux préjugés de Français, je me demande si la mafia ne vient pas de faire un coup d'éclat, à moins que la police ait arrêté il Padrino. Mais non, en passant dans la rue, j'entends un policier dire à une dame, « è per la manifestazione »! Je n'ose point demander à ce policier quel est le motif de cette manifestation, ils m'ont plus l'air de vouloir manger du manifestant que d'informer les gens qui voudraient peut-être grossir les rangs du cortège. Etant finalement tout penaud, je décide de rentrer chez moi, en ayant le secret espoir de voir la manifestation près de chez moi, étant donné que j'habite près du centre. Et bingo!

 

Je la trouve partir du théâtre Massimo. Je repère d'abord les organisations qui s'y trouvent. Je distingue assez vite pas moins de trois organisations communistes! J'apprendrai plus tard que deux d'entre elles n'en sont pour ainsi dire qu'une : le PRC (Partito Rifondazione Comunista) et sa section jeune, le GCP (Giovani Comunisti di Palermo). La troisième se nomme le PDCI (Partito dei Comunisti Italiani) qui est en fait une scission du PRC de 1998 (sur la question du soutien au gouvernement Prodi 1, le PRC finissant par se prononcer contre, tandis que la fraction scissionaire, devenant ensuite, le PDCI est pour), mais ces deux partis se présentent tout de même ensemble pour les toutes prochaines élections européennes.

Je vois aussi des drapeaux qui me sont familiers, de rouge et de noir. Ma sensibilité syndicaliste révolutionnaire et anarcho-syndicaliste à fleur de peau m'entraîne à choisir ce groupe comme compagnon de route. J'avais déjà vu ce groupe à Palerme lors du 25 avril (jour de la fête de la libération italienne) : il s'agit du « Coordinamento Anarchico Palermitano », autrement dit plutôt du genre anarcho-communiste (et oui! Ce n'est pas la même chose!).

 

Informations prises, la manifestation s'oppose au « G8 de l'éducation », officiellement nommé le « G8 University Students Summit » qui connaît ces 8 et 9 mai une premiêre étape à Palerme et qui se poursuivera les 17 et 19 mai à Turin.

 

Le cortège est, dirons-nous, tout petit. Je ne suis pas très doué pour compter des manifestants, mais à vu de nez, pas plus de 200 personnes. Vu l'impressionant dispositif de police, j'ai la vague impression, toujours à vue de nez, que les policiers sont plus nombreux. Pour se protéger des dangereuses hordes de manifestants, ils bloquent complètement l'accès à toute une partie de la déjà évoquée Via Roma avec plusieurs cars de police, eux même devancés par une grille qui ne laisse passer qu'un trou de souris rempli de gentils policiers près à s'engouffrer courageusement, si besoin est, dans le cortège des potentiels terroristes. Comme je l'ai déjà évoqué, nous avions même droit à un omniprésent hélicoptère.

La foule de communistes et d'anars (j'oubliais aussi un petit groupe indépendantiste sicilien contre la marchandisation du monde qui écrit ses slogans en dialectes et un vendeurs ambulant de pizzas qui semble vouloir tirer avantage du pouvoir d'achat des camarades révolutionnaires) s'avance donc avec quelques jolis mots pour la police (« Fascisti! Fascisti! Fascisti! ») des chansons (« Bella ciao ») et quelques discours au mégaphone sur l'entrave de la police à la circulation des manifestants (« è una vergogna, esso non è la democrazia », à dire dans sa tête en criant et avec un vrai accent italien). La tension monte. Je reste quelques temps pour savoir ce qui va se passer, des bisbilles sans importance ont lieu, et je préfère m'en aller, la manifestation piétinant et la tension montant, d'autant plus que je n'ai pas de sympathie particulière pour les provocations inutiles envers la police, car dans ce cas elle ne nous apporte rien et nous coûte ensuite beaucoup en temps et en argent pour aider les militants arrêtés à être libérés (la violence, à mon sens, se justifie vraiment, d'un point de vue politique et « moral », dans les situations d'urgence, par exemple s'il faut aider quelqu'un à ne pas être expulsé de sa maison, un sans-papier à rester en France, etc.).

Je reprends la route, donc, vers mon appartement, et je retombe sur les militants de la coordination anarchiste de Palerme. Ils me reconnaissent et me demandent si je n'ai pas vu un membre du groupe qu'ils attendent un peu nerveusement. Ils veulent aller le chercher, mais ils hésitent, j'ai la curieuse impression qu'ils se méfient de ce qu'il pourrait leur arriver là-bas avec la police. Étrange peur que je n'ai encore jamais eu à ressentir lors d'une manifestation en France (même s'il est clair que les manifs ont tendance à y être de plus en plus tendus depuis quelques années). Je propose donc d'y aller à leur place, je pourrai toujours me faire passer pour un touriste français paumé (ce que, vous l'avez compris j'espère, je ne suis pas, c'est juste pour faire semblant et ne pas aller dans une prison siciliano-berlusconienne). Je ne trouve le camarade en question, mais les autres le retrouvent, tout est bien qui finit bien, je peux rentrer tranquillement chez moi, manger, écrire pour ce blog à la con, la révolution est en marche.

Publié dans Sitchilia

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T
Le rouge c'est bien pour les habits et les drapeaux, mais pas trop pour les textes...A part ça, je suis fière de toi. Mais quand tu sors comme ça, n'oublie pas de mettre ton cache-nez, car , comme disait Karl Grouchot Marx, "y a pu d'saison!".
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S
<br /> Bonjour Tasseur,<br /> Voilà, j'ai remis le texte en noir (pour les drapeaux c'est bien aussi), sauf le début, ça n'a pas marché, va battre le beurre pour savoir pourquoi! Le rouge n'est-il pas mieux? Ou bien l'idéeal<br /> serait de le faire en rouge et noir, car en rouge et noir, j'exilerai ma peur ; j'irai plus haut que ces montagnes de douleur, en rouge et noir, j'afficherai mon cœur ; en échange d'une trêve de<br /> douceur, en rouge et noir, mes luttes mes faiblesses, je les connais, je voudrais tellement qu'elles s'arrêtent ; en rouge et noir, drapeau de mes colères,<br /> je réclame un peu de tendresse ; en rouge et noir je pendrai les patrons (paroles de Jeanne Mas et de Clément Serniclay).<br /> <br /> <br />